Quelqu'un de "trop" bien...
J'ai toujours été une petite fille sérieuse. Sérieuse à l'école (et bonne élève!!), sérieuse à la maison, obéissante, docile, jamais un mot plus haut que l'autre, jamais répondu à maman ou papa (et pourtant j'aurais eu des raisons de le faire!), jamais de rébellion. Sérieuse avec mes ami(e)s (de toute petite j'ai toujours été fidèle en amitié, ben oui, c'est pas nouveau ça!...)... trop parfois (à mon goût... surtout avec les amis... ;-).... La vraie petite fille modèle (mais loin d'être parfaite tout de même... faut pas rêver non plus!...).... Et probablement l'ado idéale aussi...
L'un de mes ex (oh... y'en a pas eu beaucoup!!) m'a dit, après être sorti deux fois avec moi : "Tu es quelqu'un de trop bien, je veux pas te faire du mal... On arrête là... je vais sortir avec Unetelle parce que je sais que je peux la mettre dans mon lit, elle!"... sic... J'avais 20 ans... :-(
J'ai toujours été quelqu'un de "trop" bien... Fallait-il le prendre comme un compliment ou une critique?... J'étais jeune, timide, réservée, sauvage, je rougissais pour un rien... alors je crois qu'à l'époque je le prenais pour un compliment et c'en était certainement un dans la bouche de ceux qui le disaient (je veux le voir comme ça!!)... De toutes façons, je ne connaissais rien à la vie, je n'avais aucune expérience... Je me méfiais de tout et de tout le monde, j'étais naïve.... (ouah... c'est pas un portrait très flatteur ça!!....)... J'étais mignonne, voire jolie (disait-on!!!.... cheveux longs, brune aux yeux bleus), je me faisais siffler et je craignais de me faire aborder, de passer pour quelqu'un de facile, quelqu'un qui ne serait pas respectable!.... J'avais 12-14 ans... Je ne me rendais pas compte du poids que ce sérieux faisait peser sur mes épaules....
Quelqu'un de "trop" bien c'est quelqu'un qui a envie de s'amuser mais qui ne sait pas s'amuser, c'est quelqu'un qui a envie de profiter de la vie mais qui ne sait pas profiter des moments qui se présentent, parce que quelqu'un de "trop" bien c'est quelqu'un qui est coincé, quelqu'un qui ne sait pas se lâcher, quelqu'un qui est complexé, quelqu'un qui a peur du regard des autres, quelqu'un qui a peur qu'on la prenne pour une dévergondée parce qu'elle a envie de vivre tout simplement, de rire, de sortir avec ses amis sans penser au qu'en-dira-t-on, sans se dire "je vais me faire engueuler", profiter de la vie sans arrière pensée... Quelqu'un de "trop" bien ravale ses larmes et ses émotions, n'exprime pas ses sentiments parce que ça ne se fait pas de montrer ce que l'on ressent (ça fait donc bien longtemps que la cocotte est sous pression!...)... Quelqu'un de "trop" bien finit par se renfermer sur soi et ne plus avoir confiance en soi parce que pour elle, être quelqu'un de "trop" bien devient pesant au fil des années...
La petite fille a grandi, elle a enfoui tout cela au fond d'elle même en pensant que c'était ainsi la meilleure façon de vivre et d'avancer... Même si elle est plus sociable et aime rencontrer du monde, être entourée d'ami(e)s, la femme qu'elle est devenue est toujours aussi réservée et introvertie et au lieu de prendre de l'assurance, elle s'est renfermée et elle a pris l'habitude de mettre son masque austère "Ne pas déranger" afin de ne pas être abordée ou importunée par des inconnus! Et à force de revêtir ce masque, il fait partie intégrante de son personnage... (Je me souviens... cela devait se passer il y a bien une vingtaine d'années - et pourtant je m'en souviens comme si c'était hier... - à C&A, au détour d'un portique de vêtements, alors que je repoussais des cintres, je "tombe" sur un monsieur - 30/40 ans... je ne sais plus... ni très jeune, ni très vieux - en chaise roulante qui me dit "ce serait tellement mieux avec un sourire!" D'abord surprise, je l'ai regardé en me demandant ce qu'il voulait et de quoi il se mêlait, puis réalisant qu'il aurait sûrement eu plus de raisons que moi de montrer un visage revêche, j'ai dû rougir et faire aussitôt l'ébauche d'un sourire, et lui "ah ben comme ça vous êtes plus jolie! Merci"... et il est parti... et moi j'ai dû rester... coite pendant quelques secondes!.... J'y repense souvent, et dans ces moments là j'essaye toujours d'échanger le masque contre un sourire....)
Parfois l'adulte qu'elle est devenue souffre de voir les autres... ou plutôt les envie de les voir bouger, vivre, rire... être naturels... mais elle se dit que si elle, elle agissait ainsi ce ne serait pas naturel! Elle voudrait rire aux éclats, bouger, danser, s'extérioriser, .... mais elle n'ose pas, ça ne se fait pas... Elle reste enfermée dans son carcan de préjugés parce que depuis toute petite elle est conditionnée pour vivre ainsi!
Certaines choses sont irréversibles, certaines choses ne se rattrapent pas...
Et avec le poids des années, quelqu'un de "trop" bien a peur de changer son image et d'évoluer parce qu'elle se dit que les autres la connaissent et l'ont toujours connue ainsi, et qu'ils ne comprendraient pas qu'elle veuille (essayer) de prendre son envol... Ils ne comprendraient pas qu'elle en a marre d'être toujours trop prise au sérieux et qu'elle refuse d'être toujours quelqu'un de "trop" bien pour être et devenir enfin "elle"....... devenir juste "quelqu'un"....... quelqu'un de bien..... tout simplement!.......